Les agences de notation américaines s'inquiètent de "l'impasse politique" dans laquelle se trouve la France, et les difficultés du gouvernement à mener de nouvelles réformes.

( AFP / KENZO TRIBOUILLARD )
Un nouveau camouflet pour le gouvernement ? L'agence de notation doit donner vendredi 2 juin son appréciation sur l'économie française, moins de deux mois après la mauvaise note infligée par Fitch.
La pression monte à deux jours de l'échéance, prise très au sérieux par un gouvernement soucieux d'afficher depuis 2017 politique économique solide et sérieux budgétaire. Interrogée dimanche, la Première ministre Élisabeth Borne a affirmé sur Radio J que le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a eu des "discussions très étroites" avec l'agence "sur tout ce qu'on fait pour maîtriser nos finances publiques".
La France est notée "AA" par S&P Global, anciennement Standard and Poor's, l'une des trois agences de notations américaines les plus influentes dans le monde, avec Fitch et Moody's. Elle pourrait dégrader la note vendredi soir d'un cran, à "AA-" mais aussi ne rien publier, ce qui représenterait alors un maintien de la note française à son niveau actuel.
La dégradation vendredi de la note de la France par S&P Global pourrait avoir pour effet d' augmenter les intérêts d'emprunt français auprès des investisseurs, ces derniers réclamant davantage pour consentir à prêter à la France. Or les taux d'intérêt des emprunts français à 10 ans sont déjà à des plus hauts niveaux depuis onze ans en raison des hausses de taux de la Banque centrale européenne (BCE) qui bataille contre une inflation persistante et fait mécaniquement remonter les taux d'emprunts des Etats sur le continent.
"Triple A" perdu en 2011
S&P note la France depuis 1975 et ne l'a dégradée qu'à deux reprises. C'est aussi la première à avoir retiré à l'Hexagone son emblématique "triple A" en 2011, meilleure note possible et symbole d'une excellente gestion des finances, dont un petit cercle de pays bénéficient encore auprès des trois agences à l'instar de l'Allemagne, des Pays-Bas et de l'Australie.
Outre l'actualisation de la note, les commentaires de S&P Global seront particulièrement scrutés au moment où la plupart des agences ont mis en avant ces dernières semaines l'effet délétère de la réforme des retraites et de la contestation sociale sur la capacité du gouvernement à poursuivre les réformes économiques, pourtant vantées par l'exécutif depuis six ans.
Fin avril, Fitch a mis en avant "l'impasse politique" du gouvernement pour justifier sa dégradation, et Moody's a souligné le "faible mandat" dont dispose le gouvernement dans un commentaire qui n'a toutefois pas donné lieu à une dégradation de la note.
L'agence de notation européenne Scope Ratings, moins regardée que ses consoeurs mais qui a abaissé sa perspective sur la France de "stable" à "négative" vendredi, a souligné "l'absence de majorité au Parlement" , de nature à compliquer la trajectoire de réduction du déficit et de la dette publique.
Bien que toutes relèvent un déclin de la situation politique et sociale en France, l'agence Fitch a été la seule agence à dégrader la France récemment, suscitant l'ire du président Emmanuel Macron : l'agence "se trompe profondément dans son analyse politique" , a-t-il fustigé dans une interview au quotidien français l'Opinion .
La France trop bien notée ?
À l'épreuve des chiffres pourtant, la France paraît mieux notée qu'elle ne le mériterait , a relevé Fitch. Elle détient l'endettement le plus élevé des pays dans la catégorie "AA", et présente le double de l'endettement médian dans cette catégorie. Concernant le déficit, l'agence de notation l'anticipe à 5% du produit intérieur brut (PIB) cette année et à 4,7% l'an prochain, là encore bien au-dessus des pays notés dans cette catégorie.
Il existe "une certaine confiance" des agences de notation vis-à-vis de l'économie française, reconnaît une source au sein de l'une des trois principales agences, mettant en avant le rôle de l'État "prépondérant dans l'économie" qui "atténue les chocs et représente un facteur stabilisant".
Chez Scope par exemple, l'examen quantitatif de l'économie française vendredi a abouti à la note de "A+", mais l'examen qualitatif, prenant en compte les spécificités de l'économie française, en matière par exemple de risques sur les finances publiques et de stabilité financière, l'a fait remonter de deux crans, à AA.
"La France est l'un de ces pays où il y a des forces qu'il est impossible d'appréhender uniquement à travers les données macroéconomiques ou budgétaires", a souligné auprès de l' AFP l'analyste de Scope Thomas Gillet.
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